Appel à communication : Journée d'étude "Intermédialités sénégalaises – Voix et écritures"

Journée d’étude "Intermédialités sénégalaises – Voix et écritures"

Appel à communication

19 Mars 2024
Programme « Francophonies et mondialisation des littératures »

 

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Avec les nouveaux médias de nouvelles formes poétiques se développent au Sénégal. Mais en quoi ces formes se distinguent-elles des formes occidentales en en quoi peut-on les comprendre dans la lignée de poésies entre tradition et modernité ? Pour répondre à une telle question, il convient de se tourner vers les formes contemporaines du rap qui sont développées par les nouvelles générations depuis 2010, notamment. En reprenant des formes critiques et politiques françaises, on retrouve le verlan dans la notion générique du rap gelsen, mais tout en développant le rapport entre musique et une écriture poétique, celle-ci crée des formes hybrides entre tradition orale et écriture littéraire moderne, en pastichant notamment Léopold Sédar Senghor.
Il est cependant difficile de comprendre les enjeux d’une telle audace activiste sans situer celle-ci par rapport à l’œuvre de Ken Bugul dont on commence seulement à entrevoir l’importance. La trajectoire de cette femme écrivain, entre le monde occidental et ses origines sénégalaises, situe son écriture entre la tradition orale africaine et l’histoire littéraire occidentale. Ainsi, dans son premier roman Le Baobab fou (1984), elle relate l’importance pour son destin de l’école (post)coloniale formatrice des esprits, et le déracinement par rapport au village et à la vie familiale. En fondant avec ce livre une trilogie romanesque, elle revient sur son expérience européenne et son retour au pays pour s’interroger sur son destin personnel et l’idéologie qui l’a conditionné. Elle exploite, de manière concertée, l’écriture occidentale pour fonder une autofiction (africaine) tout en créant une prose rythmique qui renoue avec tradition populaire au Sénégal ? Si on a pu parler des formes hybrides de l’oralittérature, celle-ci ne contribue pas uniquement à une écriture féministe et critique (dans la lignée de M. Bâ et A. Sow Fall), mais amène le lecteur à s’interroger sur sa dimension postcoloniale et intersectionnelle dont les théoriciens formulent les enjeux depuis une bonne dizaine d’années.
Dans une telle perspective, il convient de rappeler la conscience de cette femme écrivain des formes qui lui permettent d’interroger l’existence et son conditionnement idéologique. Il décide même de ‘médiatiser’ sa propre existence par le biais du pseudonyme de Ken Bugul qui veut dire ‘celle dont personne ne veut’. Si elle accepte de participer au portrait cinématographique (réalisé par Silvia Voser en 2015), qui porte justement comme titre Ken Bugul – Personne n’en veut, elle n’est pas dupe d’une sorte de surenchère en représentations/mises en scènes de sa vie. Autrement dit, l’écrivain est conscient de situer sa propre vie entre formes culturelles narratives, entre écriture et image, mais aussi entre vie et mort.
Est-ce que ces formes d’expressions littéraires et artistiques ne sont pas, en fin de compte, porteuses d’une image du monde et d’un destin dont la complexité ne peut qu’éveiller et émouvoir le lecteur ? Du moins, l’écrivain Mohamed Mbougar Sarr (1990) semble faire une lecture de son œuvre pour rendre hommage à K. Bugul dans son roman La plus secrète mémoire des hommes (2022). Dans ce livre on trouve en effet le portrait d’une femme écrivain mythologisée qui n’est pas sans rappeler Bugul. Est-ce que cette femme n’apparaît pas, étrangement, comme médium de la littérature entre héritage africain et occidental ? Force est de constater que cette femme distante et énigmatique – dont le corps quoique âgé  est fortement érotisé – contribue à l’interrogation littéraire de l’origine par l’écrivain qui a décidé de vivre en France.
En fin de compte, les écrivains d’origines sénégalaises n’ont de cesse de naviguer entre formes de représentations qui accentuent les tensions entre cultures mais aussi entre formes d’expressions hybrides, orales et écrites pour exploiter, ces années-ci, le potentiel littéraire de formes non-littéraires relevant de la vie quotidienne avec ses expressions orales mais aussi de la presse qui ne cesse de se développer.


Les propositions de communication, d’un format de 25 minutes, peuvent être adressées à Lambert Barthélémy et Steen Bille Jœergensen avant le 1er novembre 2023, accompagnées d’une petite notice bio-bibliographique. Une réponse sera donnée début janvier.  

lambert.barthelemy@univ-montp3.fr
romsbj@cc.au.dk

Dernière mise à jour : 21/06/2023