Monsieur Nicolas BIANCHI
soutiendra mercredi 8 décembre 2021 à 13 h
Salle des Actes n°011 à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3
une thèse de DOCTORAT, préparée en cotutelle avec l’Université de Gand (Belgique)
Discipline : Littératures françaises, comparées spécialité Littérature française
Titre de la thèse : Les « Gaîtés » de la tranchée. Poétique historique du rire romanesque de la Grande Guerre (1914-1939)
Composition du jury :
- Mme Annette BECKER, Professeure émérite, Université Paris Nanterre
- M. Jean-Louis JEANNELLE, Professeur, Sorbonne Université
- M. Denis PERNOT, Professeur, Université Sorbonne Paris Nord
- M. Pierre SCHOENTJES, Professeur, Université de Gand (Belgique), codirecteur de thèse
- Mme Marie-Ève THÉRENTY, Professeure, Université Paul-Valéry Montpellier 3, directrice de thèse
- Mme Carine TRÉVISAN, Professeure, Université de Paris
Résumé de la thèse
La lecture des corpus combattants de la Grande Guerre réserve une surprise de taille : la place considérable qu’y tient le rire sous toutes ses formes : motif du rire soldatesque (positif ou négatif), saynètes comiques, personnages de loustics et de bouffons, portraits cocasses, interférences discursives plaisantes (boutades, histoires drôles, reparties) ou dispositifs tonaux et énonciatifs (fausses naïvetés, burlesque, grotesque, etc.). Paradoxal, de prime abord, le constat paraît s’éclairer à l’aune d’une poétique historique confrontant et comparant l’ensemble des « discours sociaux » de l’époque (presse, arts, littérature, artisanat, etc.). Car si cette approche permet de mettre en lumière les spécificités esthétiques du roman et de la nouvelle en matière d’usage du rire dans la textualisation des expériences combattantes (« configuration » et mise en intrigue de récits que leur déficit fictionnel et la caducité du personnel guerrier traditionnel semblait condamner à un ennuyeux ressassement), elle éclaire aussi l’ampleur des enjeux que ces genres partageaient avec d’autres discours et supports. Ceux-ci sont tout à la fois politiques (déréalisation et esthétisation de la violence, construction du bourrage de crâne, mythe du poilu rieur, etc.), éthiques (présence du rire au front, et donc dans les poétiques testimoniales – ce qui appelait une histoire sensible du phénomène), ou encore socio-économiques (puissance des industries du rire à la Belle Époque et sociabilités humoristiques des combattants, importance de la veine troupière dans la représentation et l’appréhension du vécu militaire, etc.). En appréhendant à l’aune de ces questionnements un corpus d’une soixantaine de récits fictionnels d’auteurs variés (Céline, Cendrars, Giono, Delteil, Giraudoux, Dorgelès, Barbusse, Mac Orlan, Benjamin, etc.), mis en regard avec d’autres productions écrites (articles de presse, correspondances, témoignages, chansons, écriteaux du front, etc.) sur un temps long courant de la guerre à la fin des années 1930, nous avons tenté de montrer comment les écrivains-combattants jouèrent de ces rires de guerre pour familiariser ou défamiliariser le lecteur à des fins de sémantisation et de politisation de leur expérience. Si celle-ci s’inscrit largement, à partir de 1929, dans un « métarécit tragique » où le rire n’a plus guère sa place, il l’avait bien davantage dans le métarécit du Progrès que s’était approprié la « culture de guerre » - et qui perdure bien au-delà de la guerre ; ou dans un certain nombre d’expérimentations romanesques au sein desquelles le genre paraît avoir trouvé la voie de son rire propre. L’ensemble de ces constats explique d’ailleurs la faiblesse des rires contre la guerre qui émergèrent sur la période et la difficulté en la matière pour façonner une satire efficace