Appel à communication : Colloque "La renaissance psychédélique : pratiques culturelles et esthétiques"

« LA RENAISSANCE PSYCHÉDÉLIQUE » : Pratiques culturelles et esthétiques

Colloque organisé par Lambert Barthélémy et Jean-Christophe Valtat (RIRRA 21)
Les 2 et 3 mai 2024, site St-Charles

 

TÉLÉCHARGER L'APPEL À COMMUNICATION / DOWNLOAD THE CALL FOR PAPERS

 

English version below

 

Suite à la journée d’étude « Just take a pinch of psychedelics » organisée par Lambert Barthélémy en octobre, centrée sur la généalogie des esthétiques psychédéliques, ce colloque se propose de poursuivre la réflexion sur le présent et le devenir de ces esthétiques à travers de multiples médias: littérature, cinéma, jeux vidéos et d’interroger aussi sur leur articulation aux discours sociaux qui les environnent.

 

On parle en effet depuis une dizaine d’années années d’une « renaissance psychédélique ». Dans une répétition de la première émergence des psychédéliques dans les années 50, elle concerne d’abord le milieu des études psychiatriques et le traitement des addictions et de la dépression, notamment depuis les travaux de Roland Griffiths en 2006 (voir Pollan, How to change your Mind, 2018), mais s’étend aussi désormais à d’autres domaines (malades du cancer, soins palliatifs ).

Si ces nouvelles études et ces nouvelles pratiques, désormais discrètement encouragées par les agences de santé étatiques, prennent soigneusement leur distance aussi avec l’histoire de leurs devancières, il ne faut pas creuser bien loin pour se rendre compte que ces usages ne sauraient être, de par la nature des effets des psychédéliques, très éloignée, aux USA surtout, des préoccupations plus spirituelles et sociales typiques de la première vague. De fait ce qui apparaît être une renaissance est bien souvent une résurgence d’énergies dormantes qui n’ont jamais cessé d’être actives.

 

Cette résurgence se caractérise aussi par la mise en vedette de substances qui élargissent le champ discursif des psychédéliques. Si le LSD et la psilocybine demeurent d’inévitables points de référence, elles partagent désormais le champ avec un large éventail de substances: DMT ( à travers notamment  l’ayahuasca qui constitue un des phénomènes de mode discursif et touristique les plus frappants de ce « nouveau » psychédélisme),  MDMA, ou Bufoténine, sans parler d’une étourdissante variété de molécules synthétiques, popularisées notamment par les « bibles » du pharmacologue,  Alexander Shugin PiKhal  ( Phenethylamines I Have Known And Loved, 1991) et TiHKal (Tryptamines i Have Known And Loved 1997). Dans ce cadre, des termes postérieurs à la première vague se sont popularisés comme celui d’ « enthéogènes », apparu à la fin des années 70,  ou comme celui, plus ancien, emprunté à Ersnt Jünger, de « psychonautes ».

 

De fait, comme l’avait montré jadis Howard Becker dans Outsiders, les « drogues » ne se conçoivent pas en dehors des discours qui les encadrent, et il n’est pas étonnant que dans cette période de renaissance, les drogue psychédéliques se fassent de plus en bavardes, comme en témoigne le nombre croissants de publications consacrées au sujet.  Des figures tutélaires, pour certaines issues de la première vague, ont occupé le devant de cette scène éditoriale: on peut citer entre autres, outre Shulgin, les frères McKenna, Rick Strassman pour la DMT, ou Paul Stamets pour les champignons. Cette ferveur éditoriale s’accompagne de nombreuses publications vint à restituer le mouvement actuel dans son histoire (voir le récent Psychonauts de Mike Jay, 2023).

 

Mais surtout cette « Renaissance psychédélique » s’appuie fortement sur les nouveaux médias, Internet, tout particulièrement, non seulement en termes de distribution, mais aussi d’information scientifique et de partage d’expériences (les sites Erowid, Psychowiki, ou Effectindex), tandis que les vidéos numériques simulant les effets des psychédéliques  sont monnaie courante sur YouTube. C’est l’occasion de réfléchir au lien privilégié qui, depuis les années 60, unit la culture psychédélique et la culture numérique- dont l’histoire et la géographie, voire parfois l’idéologie, se recoupent de manière frappante. Il y aurait sans doute à dire , par exemple, sur la manière dont des discours comme celui de la « réalité virtuelle » ou du « multiverse » trouvent leur inspiration et leur modèles dans cette culture psychédélique. On peut parler à certains égard d’un psychédélisme diffus, qui colonise hypnotiquement jusqu’à nos écrans de veille.

 

Dans le même « esprit manifesté », témoignages, documentaires, fictions abondent désormais sur le sujet, que ce soit dans une perspective historique ou contemporaine, critique ou prosélyte. On peut citer parmi les romans Outside Looking in de T.C Boyle (2019) ou, en France, Lucie dans le ciel de Tom Verdier (2011). Mais ne pourrait-on pas aussi par exemple, considérer le « récit d’expériences » en ligne comme un genre d’écriture à part entière ?

On notera également les pratiques esthétiques qui prennent ces substances comme fin ou moyen (on peut penser au film Enter de Void de Gaspar Noë, par exemple ) sans oublier celles qui utilisent auprès du grand public les codes esthétiques d’un psychédélisme sans substance(s),  (telle la franchise Dr Strange de Marvel) ou encore réfléchir à leur présence dans les jeux vidéos (Assassin’s Creed Valhalla, par exemple, qui propose des challenges autour des champignons hallucinogènes) ou dans les nombreuses séries qui y recourent fréquemment (par exemple le récent Nine Perfect Strangers, 2021)

On ne saurait minorer, bien sûr, le rôle par la musique, notamment électronique, qui, à travers les pratiques sociales de raves et des free parties a constitué un des vecteurs essentiels de cette renaissance. Sans oublier les festivals, comme le fameux Burning man, se présentent comme le parfait exemple de pratiques sociales et esthétiques immersives et intermédiales, appelant à de nouveaux rapports sociaux, fondées plus ou moins explicitement sur le succès et sur la séduction culturels des psychédéliques.

 

Ce colloque se propose donc d’étudier l’actualité et le devenir de cette "Renaissance psychédélique à travers une large gamme de discours et de pratiques et sur la base des questions suivantes:

 — en quoi est-elle (si?) différente du discours de « l’âge d’or » des années 60 et 70 ? En quoi peut-on parler de rupture ou de continuité ?

—comment, que ce soit dans les essais ou dans les fictions considère-t-elle rétrospectivement celui-ci, entre distanciation critique et héritage revendiqué.

— Comment s’articule-t-elle de manière nouvelle à d’autres champs discursifs qui ont eux-mêmes évolué (le spirituel, l’écologie -qui se rejoignent, par exemple, dans le « néo-chamanisme » souvent associé à cette renaissance), le social, le politique (notamment le rôle joué par les minorités sexuelles), et à de nouvelles pratiques sociales.

— Comment cette renaissance génère-t-elle il de nouvelles pratiques esthétiques ou s’articule-t-elle à d’autres médias, notamment numériques ?

 

Ce colloque ne saurait par nature être que pluridisciplinaire, touchant à la littérature, aux arts de la scène, au cinéma, aux séries, aux jeu vidéos, aux arts plastiques, à la BD, à la musique et bien sur à toutes les pratiques intermédiales, qui constituent la logique même d’expériences par nature immersives et multisensorielles. Les approches orientées vers les études culturelles seront aussi les bienvenues.

 
Une proposition d’une page environ accompagnée d’une notice bio-bibliographique est à envoyer d’ici 15 décembre 2023 à
jean-christophe.valtat@univ-montp3.fr
barthelemy.lambert@orange.fr

 

THE PSYCHEDELIC RENAISSANCE

Cultural  & aesthetic practices

 

Symposium organized by Lambert Barthélémy and Jean-Christophe Valtat (RIRRA 21)

May 2-3, 2024, University Paul Valéry Montpellier-III, St-Charles site.  

 

 

In the wake of the "Just take a pinch of psychedelics" study day organized by Lambert Barthélémy in October 2023, which focuses on the genealogy of psychedelic aesthetics, this colloquium aims to pursue the reflection on the present and future state of these aesthetics through multiple media: literature, cinema, video games, but also to study their articulation with the social discourses that surround them.

 

Over the last ten years or so, there has been talk of a "psychedelic renaissance », relayed through wide media coverage. In a repetition of the first emergence of psychedelics in the 50s, it first concerned the field of psychiatric studies and the treatment of addiction and depression, notably since the work of Roland Griffiths in 2006 (see Pollan, How to change your Mind, 2018), but also extended to other fields (cancer patients, palliative care ).

While these new studies and practices, now discreetly encouraged by state health agencies, carefully distance themselves from the history of their predecessors, it soon becomes obvious that these uses cannot be, by the very nature of psychedelics and their effects, that far removed, in the USA especially, from the more spiritual and social concerns that accompanied this first wave. In fact, what appears as a Renaissance is often more a resurgence of dormant energies that have never really stopped being active.

 

Such a resurgence is also characterized by the introduction of substances that broaden the discursive field of psychedelics. While LSD and psilocybin remain unavoidable points of reference, they now share the field with a wide range of substances: DMT (notably through ayahuasca, one of the most striking discursive and touristic fashion phenomena of this "new" psychedelism), MDMA, or Bufotenine, not to mention a dizzying variety of synthetic molecules, popularized notably by the "bibles" of pharmacologist, Alexander Shugin PiKhal ( Phenethylamines I Have Known And Loved, 1991) and TiHKal (Tryptamines I Have Known And Loved 1997). In this broader context, terms such as « entheogens", coined in the late 70s, such the even older "psychonauts", borrowed from Ersnt Jünger have become popular.

 

Indeed, as Howard Becker once demonstrated in Outsiders, "drugs" cannot be conceived outside the discourses that frame them, and it's not surprising that in this period of renaissance, psychedelic drugs are becoming increasingly talkative, as evidenced by the growing number of publications devoted to the subject.  Leading figures, some of them from the first wave, are once again at the forefront of the publishing scene: in addition to Shulgin, these include the McKenna brothers, Rick Strassman for DMT, and Paul Stamets for mushrooms. This editorial fervor is accompanied by a number of publications aimed at restoring the history of the current movement (see Mike Jay's recent Psychonauts, 2023).

 

But above all, this "psychedelic renaissance" relies heavily on new media, especially the Internet, not only for distribution, but also for scientific information and the sharing of experience (such the Erowid, Psychowiki and Effectindex websites), while digital video simulations of the psychedelic experience are current fare on youtube. Such association is an opportunity to reflect on the privileged link that, since the 60s, has united psychedelic culture and digital culture - whose history and geography, and sometimes even ideology, overlap in striking ways. There is much to be said, for example, about the way in which discourses such as "virtual reality" or the "multiverse" find their inspiration and models in this psychedelic culture. In some respects, we can speak of a diffuse psychedelia, hypnotically colonizing even our screensavers.

 

In the same manifest spirit, testimonials, documentaries and fiction now abound on the subject, whether from a historical or contemporary, critical or proselytizing perspective. Novels include, for instance, Outside Looking in by T.C Boyle (2019) or, in France, Lucie dans le ciel by Tom Verdier (2011). But couldn't we also, for example, consider the online "experience story" as a writing genre in its own right?

There are also aesthetic practices that use these substances as an end or a means (Gaspar Noë's film Enter the Void, 2010, for example, comes to mind), not forgetting those that use the aesthetic codes of substance-free psychedelia for the general public, such as Marvel's Dr Strange franchise). Wa can also reflect on their presence in video games (Assassin's Creed Valhalla, 2020, for example, which features challenges based on hallucinogenic mushrooms) or in the many  TV series that make frequent use of them (such as the recent Nine Perfect Strangers, 2021)

Of course, one must not forget the role played by music, particularly electronic music, which, through the social practices of raves and free parties, has been one of the essential vectors of this renaissance. Festivals such as the famous Burning Man which has known increasing success since its beginning in the 1980s, are perfect examples of immersive, intermediary social practices and aesthetics, calling for new social relationships, based more or less explicitly on the cultural success and seduction of psychedelics.

 

The aim of this colloquium is to examine the present and future of this "psychedelic renaissance" through a wide range of discourses and practices, and on the basis of the following questions:

 - how is it (so?) different from the "golden age" discourse of the 60s and 70s? To what extent can we speak of rupture or of continuity ?

-How, whether in essays or fiction, does it consider the latter in retrospect, between critical distancing and claimed heritage?

- How does it relate in new ways to other discursive fields that have themselves evolved (spirituality, ecology - which come together, for example, in the "neo-shamanism" often associated with this renaissance), the social, the political (notably the role played by sexual minorities), and to new social practices.

- How does this renaissance generate new aesthetic practices or link up with other media, notably digital?

 

By its very nature, this symposium can only be multidisciplinary, touching on literature, the performing arts, cinema, series, video games, the visual arts, comics, music and, of course, all intermedial practices, which follow the very logic of experiences that are by nature immersive and multisensory. Cultural studies approaches are also welcome.

 

A one-page proposal with a bio-bibliographical note should be sent by December 15, 2023 to
jean-christophe.valtat@univ-montp3.fr
barthelemy.lambert@orange.fr
 

 

Dernière mise à jour : 21/06/2023